Magic Spirit Quartet

[COUP DE CŒUR]  Rencontre des nords (d’Afrique et d’Europe), du brûlant et du glacé, de la tradition et de la liberté, de l’ancestral et du présent. On ne parlera pas de « World Music » pour autant (espèce de muzac, brassage de différentes cultures sauce new age où sont effleurés divers courants locaux sans en aborder la profondeur), mais bien de rencontre, de recherche de tronc commun, totalement intégré, afin de s’en affranchir, et de trouver l’origine et le but de la Musique pour l’édification et la réunion de tous les hommes de bonne volonté (et de bonnes oreilles !). Les bases de ce travail sont solides : sur sept titres, quatre sont des traditionnels du Maghreb, deux sont des compos de Majid Bekkas un appartient au quartet, voilà pour l’ambiance générale, unité d’inspiration et de son que vont s’approprier les quatre compères. Du fait, on pense aux escapades d’Archie Shepp (avec qui a collaboré Majid Bekkas) et de Pharoah Sanders en Afrique, et la trompette de Goran Kajfeš n’est pas sans évoquer les fantastiques trouvailles de Don Cherry. Ici, le fil rouge, c’est le blues. Revendiqué par tous les jazzmen de toutes origines et obédiences, fussent-ils trad, intellos, spontanés, modernes ou même dégagés de tout dogme, nul n’y échappent. Et quel meilleur ambassadeur que ce maître gnawa, avec son parfait emploi des instruments et de la voie qui participèrent à la naissance de la musique qui nous passionne (blues, puis jazz), et qu’il mit à la disposition de ceux qui le reconnurent en tant que tel (la liste est longue…).
Choc de la musique de transe et du jazz psychédélique, à l’instar des grands groupes de rock californiens qui écoutaient autant John Coltrane et Nusrat Fateh Ali Khan que Chuck Berry. Images de traversée de grands déserts, fussent-ils de sable ou de neige, étendues infinies, hypnotiques et hallucinatoires, l’esprit semble se perdre dans le ciel grandiose, navigant parmi les étoiles si proches, mais les pieds sont bien ancrés sur la terre, le sol parfois mouvant, appui approximatif, mais présent ! Et on avance. Et on rêve, on s’évade de mille pensées qui se rejoignent sur l’effort collectif de cohérence pour ne jamais se perdre. Quand l’un s’écarte de la caravane, on l’attend, ou bien on l’accompagne pour reconnaître l’opportunité d’une nouvelle trace. Il n’y a pas de chef, que la nécessité de rester groupés, ensemble, concertation de voies, de voix, d’idées, de direction. Chaque pas, chaque son est offert au bien-être de tous, à la progression de l’unité. Les individualités se fondent au service du projet commun. Chacun son rythme, ses choix, admis uniquement si l’adhésion est unanime, ce qui n’empêche nullement fantaisies, rires, clins d’œil, rapprochements et affinités particulières, temps de repos et moments de bravoure inclus. Le cheminement est souvent ralenti, parfois ardu, et puis, une pente où on se laisse glisser en se tenant la main, une oasis pour prendre de l’eau et des forces au milieu de bêtes sauvages pacifiques, une bise ralentit la marche, une brise de dos pousse vers l’inconnu… Union des éléments  de l’univers, de la nature, et de celle des hommes qui la compose.
Un beau voyage, aux limites de nos rêves induits par la libération de l’esprit qui ne cherche plus à s’attacher au connu. 

(Wouahou, c’est d’la bonne…!)

Majid Bekkas : voix, guembri, oud, guitare / Goran Kajfeš : trompette, percu / Jesper Nordenström : claviers / Stefan Pasborg : batterie, percu, gongs

Par Alain Flèche

ACT